Le 1er décembre 2024, la nouvelle Commission européenne a officiellement pris ses fonctions avec la création d’un poste de Commissaire dédié à la Méditerranée, ainsi que d’une direction générale dédiée à cette région stratégique. Cette annonce, passée quelque peu inaperçue, contient de larges visions pour les relations entre l’Union européenne (UE) et les États côtiers, notamment le Maroc.
Jusqu’à présent, les relations euro-méditerranéennes relevaient du portefeuille du commissaire en charge du voisinage et de l’élargissement. La Méditerranée fait désormais l’objet d’une attention particulière sous l’égide de la nouvelle commissaire Dubravka Šuica, ancienne vice-présidente de la Commission sur la démocratie et la démographie. Cette évolution « marque une rupture symbolique avec les orientations collectives du passé telles que celles du processus de Barcelone de 1995, qui aspiraient à construire un espace régional de prospérité partagée à travers la libéralisation des échanges, le dialogue culturel et les réformes politiques », a-t-on noté. . à Bruxelles. Ces idéaux, souvent passés sous silence en raison des divergences entre États membres et des tensions géopolitiques, semblent désormais relégués au second plan « au profit d’un cadre d’interactions bilatérales, mieux adapté aux réalités contemporaines ».
Migration et sécurité : les nouvelles priorités
Dans sa lettre de mission, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, définit la gestion des migrations comme le pilier central du portefeuille méditerranéen, au sein d’un « Pacte pour la Méditerranée » encore en cours d’élaboration. Les objectifs affichés comprennent le renforcement des contrôles aux frontières, la lutte contre les réseaux de traite d’êtres humains et l’établissement de partenariats avec les pays de transit pour limiter les flux migratoires irréguliers. Le Maroc, pour sa part, appelle à ce que la priorité accordée aux préoccupations sécuritaires européennes ne se fasse pas au détriment des besoins structurels et humanitaires des pays partenaires de Bruxelles.
Energie et économie : le rôle central du Maroc
Outre la migration, le mandat de Dubravka Šuica se concentre sur la coopération énergétique et économique. Il a annoncé la création d’une initiative transméditerranéenne pour l’énergie et les technologies propres, dans le but de cibler les sources d’approvisionnement de l’UE dans un contexte de crise énergétique exacerbée par l’invasion russe de l’Ukraine. Dans ce contexte, Rabat occupe une position stratégique. En tant que premier investisseur africain dans les énergies renouvelables, le Maroc est bien placé pour devenir un fournisseur clé d’énergie verte pour l’Union européenne, ainsi que pour renforcer son rôle d’acteur régional clé dans le développement des corridors énergétiques transméditerranéens.
Abandon de l’intégration régionale
Ce recentrage sur les partenariats bilatéraux ne sera pas exempt d’un affaiblissement progressif des efforts d’intégration régionale. L’approche multilatérale prônée par le processus de Barcelone ou la Politique européenne de voisinage (PEV) – qui visent à rassembler les pays méditerranéens autour de projets communs – laisse place à une vision fragmentée, davantage centrée sur les intérêts immédiats de l’UE.
Cette nouvelle stratégie n’est pas sans risques. Les initiatives euro-méditerranéennes passées, souvent marquées par des résultats décevants, ont généré des attentes non satisfaites parmi les partenaires du Sud. Le choix de privilégier les intérêts européens au détriment d’une vision commune pourrait exacerber les critiques à l’encontre de l’UE dans des pays comme le Maroc, où les plaintes concernant le manque de réciprocité dans les relations bilatérales se multiplient.
En outre, la lettre de mission de Šuica insiste sur la nécessité de contrer les « relations anti-européennes » dans les pays voisins. A Rabat, la création d’un poste de commissaire à la Méditerranée illustre une évolution significative de la politique étrangère de l’Union européenne, orientée vers une approche pragmatique et transactionnelle.
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