Un tribunal tunisien a prononcé cette semaine une condamnation à mort contre un citoyen, Saber Chouchène, accusé d’avoir publié sur Facebook des propos jugés offensants à l’encontre du président Kaïs Saïed et constituant une atteinte à la sûreté de l’État. Ce verdict, inédit par sa sévérité, a suscité de nombreuses réactions dans le pays et à l’international.
Selon les informations rapportées par plusieurs médias, l’homme a été poursuivi sur la base de l’article 67 du Code pénal tunisien, qui sanctionne toute atteinte à la dignité du président de la République, et du décret-loi 54 de 2022, relatif à la lutte contre les fausses nouvelles et les atteintes à l’ordre public. Ces textes, régulièrement invoqués depuis 2021, sont au cœur de nombreuses procédures visant des journalistes, blogueurs ou opposants politiques.
La Tunisie n’a pas procédé à d’exécutions depuis 1991, respectant un moratoire de facto sur l’application de la peine capitale. Toutefois, des condamnations à mort continuent d’être prononcées dans certains dossiers, généralement liés à des crimes de sang ou à des affaires de terrorisme. Le cas de Saber Chouchène marque la première fois qu’une telle peine est appliquée à des faits qualifiés de délits d’opinion.
Le jugement s’inscrit dans un contexte de tensions politiques et institutionnelles. Depuis juillet 2021, le président Kaïs Saïed a dissous le Parlement, modifié la Constitution et accru ses prérogatives, concentrant dans ses mains l’ensemble des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Plusieurs observateurs estiment que la justice tunisienne est désormais soumise à de fortes pressions politiques.
Cette décision a provoqué de vives réactions. En Tunisie, des organisations de défense des droits humains ont dénoncé une mesure “inédite et disproportionnée”. À l’étranger, des ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch ont rappelé que, selon le droit international, la peine de mort ne peut être appliquée que pour les crimes les plus graves, notamment les homicides volontaires, et non pour des infractions liées à la liberté d’expression.
À la suite de ce verdict, le juge ayant prononcé la sentence a été muté vers un autre poste, ce qui laisse entendre que le dossier pourrait être réexaminé ou faire l’objet d’un appel. Aucune information officielle n’a toutefois confirmé un changement de statut de la procédure.
Ce jugement met en lumière la situation actuelle de la liberté d’expression en Tunisie. Depuis l’adoption du décret-loi 54, plusieurs dizaines de personnes ont été poursuivies pour leurs publications en ligne. Le cas de Saber Chouchène apparaît aujourd’hui comme l’exemple le plus sévère de l’application de ce cadre juridique.
La Tunisie, longtemps présentée comme l’unique réussite démocratique issue du “printemps arabe”, fait désormais face à des critiques croissantes sur l’évolution de son système judiciaire et sur la place accordée aux libertés fondamentales. La condamnation à mort de Saber Chouchène constitue, à ce titre, un signal majeur qui alerte autant la société civile tunisienne que les partenaires internationaux du pays