« Lahcen Hammouch : Turquie : L’étau se resserre sur les opposants dans une dérive autoritaire »

euromagreb26 فبراير 2025آخر تحديث :
« Lahcen Hammouch : Turquie : L’étau se resserre sur les opposants dans une dérive autoritaire »

Depuis plusieurs semaines, la Turquie s’enfonce dans une spirale répressive, où arrestations arbitraires, destitutions d’élus et musèlement des voix critiques dessinent les contours d’un régime de plus en plus autoritaire. Sous couvert de lutte antiterroriste, le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan accélère sa stratégie d’élimination politique, ciblant l’opposition parlementaire, les municipalités kurdes et les figures culturelles. Cette offensive, qui coïncide avec des préparatifs électoraux en vue de 2028, révèle une volonté de verrouiller définitivement le jeu démocratique.

À Van, ville symbolique du sud-est à majorité kurde, des milliers de personnes ont défié les forces de l’ordre après la destitution du maire local, issu du Parti démocratique des peuples (DEM). Les images de barricades enflammées et de jets de pierres ont fait le tour des réseaux sociaux, tandis que les autorités répondaient par des tirs de gaz lacrymogène et de balles en plastique. Plus de 300 arrestations ont été recensées, dans un climat de tension extrême. Ce scénario n’est pas isolé : neuf maires du DEM, troisième parti au Parlement, ont été suspendus ces dernières années pour « apologie du terrorisme », une accusation récurrente visant à délégitimer toute revendication kurde. Pourtant, ces mesures surviennent paradoxalement alors qu’Ankara entretient des pourparlers secrets avec la branche politique du PKK, mouvement kurde classé « terroriste ».

Dans l’ombre de cette répression, une autre bataille se joue : celle de la succession présidentielle. Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et figure montante du Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d’opposition, est dans le collimateur judiciaire. Accusé d’avoir « insulté » un haut magistrat lors d’un discours, il encourt une peine de prison et une interdiction de se présenter aux élections. Une manœuvre perçue comme une tentative d’écarter un rival crédible pour 2028. La semaine dernière, dix collaborateurs de sa municipalité ont été arrêtés, confirmant une logique de persécution systémique contre le CHP.

Le pouvoir étend aussi sa chasse aux sorcières aux mouvements sociaux. Dans la région de Gaziantep, des ouvriers réclamant des augmentations de salaire dans une usine liée à un député de l’AKP (parti au pouvoir) sont menacés, intimidés et arrêtés. Les syndicats dénoncent une « criminalisation des luttes sociales », soulignant que la police est régulièrement déployée pour protéger les intérêts économiques des proches du régime.

Le monde culturel n’est pas épargné. Des stars de la télévision, des agents artistiques et des journalistes sont traqués pour leur implication passée dans les manifestations de Gezi, soulèvement populaire de 2013 contre la dérive autoritaire d’Erdogan. Des acteurs célèbres, accusés d’avoir « planifié un coup d’État » lors de leur temps libre, font face à des accusations surréalistes. Les procureurs exhument des archives vidéo pour identifier ceux ayant « légitimé » la révolte, une manière de rappeler que toute critique peut être punie, même a posteriori.

Cette escalade s’appuie sur un arsenal législatif taillé sur mesure. Depuis la tentative de coup d’État de 2016, plus de 130 000 fonctionnaires ont été limogés, des médias fermés et des lois antiterroristes élargies pour couvrir toute forme de dissidence. La justice, sous influence politique, devient un outil de neutralisation des adversaires. Résultat : les libertés fondamentales s’effritent, laissant une opposition morcelée et une société civile paralysée par la peur.

Les conséquences sont lourdes. Les Kurdes, minorité historique représentant près de 20 % de la population, voient leurs droits politiques confisqués. Les partis d’opposition, privés de relais locaux, peinent à mobiliser. Quant aux classes populaires, elles subissent de plein fouet une crise économique aggravée par la répression des syndicats.

Erdogan, réélu en 2023 pour un mandat prolongé jusqu’en 2028, semble vouloir assoir un pouvoir sans partage. Mais cette fuite en avant autoritaire génère des résistances. Les manifestations à Van, les grèves ouvrières et la popularité tenace de figures comme Imamoglu montrent qu’une partie du pays refuse de capituler. La Turquie, alliée incontournable de l’OTAN mais enchaînée dans une dérive despotique, pourrait basculer dans l’instabilité si la pression internationale reste muette. Pour Ankara, le prix de la répression pourrait se révéler plus élevé que prévu

 

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